Cena No XII – Repas du 25 octobre 2024 : un centenaire de 1923 au sommet de la colline de… Corton !

Le 12ème repas des Archives du Vin s’est tenu pour la quatrième fois consécutive dans le cadre enchanteur de l’Hôtel de la Paix à Lausanne. Nous sommes onze convives et c’est la première fois que je reçois quatre personnes de la gent féminine ce qui est fort réjouissant car le vin n’est pas le monopole de ces messieurs. Cinq personnes participent pour la première fois. Une personne est même venue spécialement depuis Bâle pour ces réjouissances.

Me voilà prêt à extirper les 10 lièges vers 15h30. Leur “exhumation” se déroule presque sans encombre. Seul le Corton de 101 ans ne se laisse pas dompter facilement puisqu’au moment de piquer le tire-bouchon sur l’imposante couche de cire rouge en forme de champignon, le bouchon tombe dans le vin sans se faire prier avec des petits déchets de cire ! Il me faudra le filtrer ce qui n’est pas optimal car je n’aime pas brusquer le vin qui est un produit vivant. Imaginez vous secouer un alerte centenaire…

Les fragrances sont pour la plupart, enchanteresses et les nez sont prometteurs ! L’Arbois Rouge Domaine André et Mireille Tissot 1987 est empreint de jolies senteurs de mûre écrasée. Le Gattinara – Nervi 1995 est splendide avec des notes de griottes et de pruneau. Le Saint-Julien – Château Gruaud Larose 1947 a un magnifique nez fumé qui évoque le tabac.

Le menu concocté par le jeune et talentueux chef du Coup de Soleil se présente comme suit :

  • Amuse-bouche : beignets de Vinzel
  • Première entrée : noix de Saint-Jacques de l’Atlantique juste snackées, purée de céleri et ail noir, crumble de parmesan
  • Seconde entrée : raviole de cerf et chevreuil, choux rouge et bouillon de chasse
  • Plat principal : suprême de poulet Alpstein poché au lait aromatisé et posé sur une fine purée au pain grillé, jus au vin rouge
  • Fromages : gruyère caramel et vacherin Mont-d’Or
  • Dessert : cheese cake aux pommes confites, croquant aux marrons de l’Ardèche et crème glacée à la vanille
  • Mignardises.

Malgré une légère oxydation, le Féchy – Cave de la Crausaz 1992 rehausse le goût des beignets de Vinzel plus communément appelés Malakoffs. C’est un accord 100 % vaudois fort réussi.

Deux vins sont servis avec des délicieuses noix de Saint-Jacques de l’Atlantique : le Saint-Julien – Château Talbot – Caillou Blanc 1989 et le Chamoson – Rèze mi-flétri – Vital Zufferey 1985. Le premier démontre une riche complexité avec un nez d’agrumes et de pétrole. Il est enchanteur car outre un côté salin et une belle fraîcheur, il est vif et fort plaisant malgré ses 35 ans. Le second : le valaisan de la soirée possède une belle couleur ambrée et se livre dans un registre oxydatif. Il laisse penser à des évocations de… mélèze ce qui est loin de satisfaire toute la tablée. Associé aux Saint-Jacques, l’accord se révèle plus brillant avec le Saint-Julien.

Le Gattinara – Nervi 1995 et le Haut-Médoc – Château Coufran 1953 évoluent tous les dans des mondes différents. Ce 100 % nebbiolo piémontais a perdu une partie de ses atours fruités mais s’avère le gendre idéal de la raviole de cerf et du chevreuil. De son côté, le septuagénaire de la soirée a encore une belle histoire à raconter. Chose étrange, il paraît plus agréable et contemporain que le Gattinara et apporte plus de plaisir gustatif avec l’entrée.

Nous passons au plat principal. Si l’Arbois rouge – Domaine André et Mireille Tissot 1987 avait un nez de velours à l’ouverture, l’accord avec le suprême de poulet Alpstein ne lui confère pas une grande consistance. A contrario, le Saint-Julien – Château Gruaud Larose 1947 a une belle acidité et des jolis tannins encore marqués. C’est un vin de pure émotion transcendé par le plat.

Le Corton Vieux – G. Livet 1923 évolue quant à lui en dehors des sentiers battus. La forte odeur de cire présente à l’ouverture ne présageait rien d’engageant. En bouche, il s’agit d’un véritable OVNI (objet vinifié non identifié). Il évoque les senteurs d’une vieille officine de pharmacie tant le vin est empreint d’herbes médicinales pouvant rappeler une vieille chartreuse. Nous sommes déroutés devant ce Corton atypique et l’émotion reste palpable dans l’assistance. Déguster un vin centenaire est toujours un moment particulier.

Les fromages sont accompagnés du Mont-sur-Rolle – Domaine de Hautecour 1983 servi avec la fameuse carafe du créateur-verrier Yann Oulevay. Ce chasselas de 41 ans se montre plus démonstratif avec le gruyère caramel qu’avec le Mont-D’Or. Le vin présente toutefois un côté oxydatif et des notes de beurre salé et manque un peu de longueur et de présence.

Arrive la fin du repas. Le cheese cake aux pommes confites est accompagné d’un Xérès. Le Montila-Moriles – Toro Albala Don PX Gran Reserva 1986 évoque la figue, les fruits secs et le réglisse. Il est charmant de douceur mais paraît presque trop sucré pour ce dessert raffiné.

En guise de digestif, nous avons réchauffé nos palais avec le puissant Marc de Gewürztraminer – Nussbaumer – Aesch 1984.

Comme à l’accoutumée chacune et chacun a pu voter pour ses nectars préférés (classement de 1 à 10 du meilleur au moins apprécié basé sur un jugement de pur plaisir et non sur les qualités intrinsèques du vin). Les trois vétérans de la soirée ont été plébiscités pour rejoindre le podium. Voici les votes :

  1. Corton Vieux – G. Livet 1923
  2. Saint-Julien – Château Gruaud-Larose 1947
  3. Haut-Médoc – Château Coufran 1953
  4. Féchy – Cave de la Crausaz 1992
  5. Saint-Julien – Château Talbot Caillou Blanc 1989
  6. Arbois Rouge – Domaine André et Mireille Tissot 1987
  7. Gattinara – Nervi 1995
  8. Montila-Moriles – Toro Albala Don PX Gran Reserva 1986
  9. Chamoson – Rèze mi-flétri Vital Zufferey 1985
  10. Mont-sur-Rolle – Les Dames de Hautecour 1983

La cuisine inspirée et maîtrisée du Coup de Soleil a enchanté nos papilles et a sublimé les vins grâce à des accords pertinents. C’était le 4ème opus à l’hôtel de la Paix et je me réjouis déjà de retourner en ces lieux le 22 novembre prochain à l’occasion du prochain repas. A noter le service parfait de l’équipe de salle et l’ambiance fort sympathique d’une tablée enchantée par de tels moments de grâce.

Vincent Guillot

2 commentaires sur “Cena No XII – Repas du 25 octobre 2024 : un centenaire de 1923 au sommet de la colline de… Corton !

  1. Merci Vincent pour cette magnifique soirée et ces accord parfaits. Après une bien longue attente, le centenaire avait beaucoup à raconter. Les souvenirs de cette soirée vieilliront aussi bien que les vins dégustés !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *